Le 23 avril 2009.
LES MADELEINES :
Dans un supermarché, à la caisse.
Une mamie très méticuleuse, chargée de madeleines compartimentées dans des sacs plastiques, avec une rigueur militaire…
Au moment de payer, elle se décide alors à les sortir, avec le plus grand soin.
Puis, avec la même délicatesse quasi-obsessionnelle, les replace dans les sachets alignés, qu’elle referme d’un coup sec et pose au fond de son caddie, très convaincue.
On l’imagine les dégustant seule dans son petit appartement, en face d’une tasse de thé noir (les mémés aiment bien le thé noir) ou une infusion de verveine/tilleul.
Elle n’a acheté que ça : des madeleines par dizaines…
LE PETIT POT :
Les urgences gynéco (Hôpital René Debré (René Débris?!).
Aucun moyen de savoir quand on va être pris en charge…C’est légèrement n’importe quoi…
Mon chéri s’occupe de tout. Il s’adresse à une infirmière qui, de son charmant accent du Sud dit qu’il «faut attendre»…(Mmoais ok…)
Je viens parce que je saigne, depuis un mois…Un Hpv («papilloma virus»: nom féérique pour une forme tumorale) suspect a déjà été constaté.
Bon ça va, je ne vais pas faire ma martyre d’un «coupable au long cou»…Ca vient d’un mec, et à la fin, lequel, on s’en fout. Ca veut juste dire que lui-même a été victime d’une poulette victime d’un type un peu fourre-tout…Ou pas…Etc…Etc…
Pourquoi mes petits globules rouges s’épanchent-ils hors d’endroits incongrus? Tumeur sérieuse? Infection urinaire? Choc émotionnel? Enceinte?
Si c’est ça, j’ai du mal à comprendre, j’ai fait un test au verdict négatif il y a 3 semaines…Peut-être trop tôt après avoir oublié la pilule?!
Une jeune femme me passe devant, ce qui a le don de faire péter un petit câble à Elfe. Il tient à ce que les choses se passent JUSTEMENT et dans l’ordre (il n’aime déjà pas attendre dans des lieux communs…Je ne vais pas l’en blâmer) et en réfère à une infirmière. Du coup, on me prend en charge.
La soignante (jolie black hyper speed), dépassée par d’autres évènements, court dans tous les sens, la pauvre. Quel boulot de «ouf»!
Elle prend mes infos et entame ma prise de tension. Elle repart en courant dans le couloir, appelée par une femme enceinte qui explose, en larmes, après 2 heures de patience pour une écographie…Hormones+ attente+ «bide-bendum»= bombe.
Et moi, je suis toujours avec le bracelet en polyester (en tout cas, une matière pas agréable) autour du bras, gonflé à bloc.
Mmmmm, fait chier, je ne vais pas rester ad vitam aeternam comme ça quand même?!
Merde. J’arrache le bracelet, ça me pète les veines!
Heureusement, car la secrétaire n’arrive qu’au bout de 5 minutes, toujours désespérément en folie, et s’excuse.
Elle reprend ma tension, puis m’accompagne aux toilettes.
Energiquement, très rôdée la secrétaire/infirmière (robot?!?) initiatrice du «pipi dans un pot» (un peu trop polyvalente, d’où la surcharge de boulot)- :
-«Faites pipi dans le petit pot/posez-le sur le chariot en bas/les toilettes sont là/Il y a un petit cintre pour poser vos affaires/Ensuite, lavez-vous les mains/(désignant) Là, le savon, là, les serviettes/Ensuite, allez vous rasseoir dans la salle d’attente, on vous rappellera à votre tour.»
Puuutain, c’est l’usine! Elle est où la pointeuse?!
Alors je prends le pot, je m’installe au-dessus de la lunette des toilettes en vérifiant qu’il n’y ait pas de gouttes suspectes (de toute
façon, hors de question de m’asseoir! C’est niet vue l’utilisation de l’endroit.).
Soit. Position de la «grenouille» enclenchée.
Et comme des dizaines de femmes avant moi aujourd’hui, je pisse dans mon flacon/pointeuse translucide.
Bien sûr, je m’en fous partout, c’est une pure catastrophe: mes doigts dégoulinants d’urine chaude…Super. La grande classe.
Bon, après tout, c’est la mienne, c’est pas si grave. Je tends la main pour me sécher :
pas de PQ!
Ok, on va pas s’énerver, il me reste un mouchoir (à peu près) en état dans mon sac. Quelle mouise, j’te jure!
Je fais ça comme je peux, mon esprit grossit les micro particules de «pissette» sur mes doigts et la manche de ma veste en laine et angora…Ma belle veste toute douce en LAINE ET ANGORA!
On s’en fout, trop tard.
Je vais me laver les mains, alors j’appuie sur le savon…PFuuuuuufffffff….C’est de l’air qui sort (Puuuuuunaïse?! )
J’ouvre le robinet qui présente une complication technique : c’est quoi ce bidule qu’il faut tirer vers le bas?!
Splassssshhh! Au moins j’ai ma réponse en m’en prenant plein la tête pour pas un rond. Sympa.
Bon, faut peut-être re-appuyer sur l’autre truc, là…
Très bien…Là, c’est la merde, mais la vraie. Le débit d’eau m’asperge avec violence, un vrai geyser.
Je tente de rester digne, «couverte» de liquides en tout genre.
Je compte sur le sèche-main…Pour éviter de «péter le dernier câble SEC» qu’il me reste. Il fonctionne lui au moins, c’est déjà ça.
Dans le miroir, je m’aperçois qu’une autre femme, accompagnée d’une infirmière, attend son tour dans mon dos (aucune intimité, on fait ça à la chaîne).
-«Tu pisses là-dedans/tu le poses en bas du chariot…»
Tiens, c’est drôle tout de même, elle tutoie une patiente; plus le temps de passer par le vouvoiement ?! C’est chaud ici quand même!
Bah. On est plus à ça près.
Les voix s’éloignent en même temps que je rejoins mon Elfe dans la salle commune.
TOUT POUR BÉBÉ :
18h00 : retour en consultation gynéco.
(j’envoie un texto en attendant le 3 ème médecin de la journée)
«Coucou mon Elfe! Tu ne t’ennuies pas trop? Moi je viens de me faire trifouiller avec des appareils d’une autre planète, style «sex toys design ultra luxe»!
J’ai aussi eu droit à mon pire ennemi : «L’ÉCARTEUR» (de son nom scientifique : spéculum)
Vu comme ça, ça ressemble à un pélican…Enfin, bref.
Quasiment rien senti…ALLELUÏAAAAA !
Maintenant, après mon anlalyse d’urine, on va me pomper du sang… Question sensations, ici, c’est mieux que le futuroscope!
(Second texto) Ah oui, j’oubliais. Je t’aime. Merci de t’être battu comme un petit marcassin fasse à un chasseur tout à l’heure. Tu as eu l’énergie que je n’avais pas.
(3ème texto): Au fait, je crains que l’on ne passe notre soirée ici…Après «la vampirisation», on m’annonce chaleureusement 2h00 d’attente pour les résultats. Mais entre temps, on a tout de même pris la peine de me rassurer : je risque une grossesse extra-utérine qui pourrait me pousser dans le bide ou une trompe.Ce sera au choix.Formidable.Mais quelle belle journée quand même. J’ai envie de flinguer des embryons.
18h30 :
La cafét est fermée.Il faut que l’on trouve un endroit pour grailler.
Elfe me glisse d’une voix toute douce (géné et émouvant):
-« Au moins, si c’est une grossesse extra-utérine, ça veut dire qu’on est fait pour faire des enfants, parce que, sérieux, ça fait qu’1 mois, et dès que tu oublies ta pilulle…Enfin…C’est pas mal?! »
Moi, attendrie mais un peu «à vif» (au sens propre comme au figuré):
-«Ben disons que d’une certaine façon, c’est sûr, quelque part c’est rassurant.
D’un autre côté, si c’est ça, j’ai quand même les organes qui peuvent éclater «grâce à» une «crevette» qui se développe où ça lui chante…Donc, ouais.. Voila quoi…»
En descendant le Boulevard Serurier, en face des urgences gynéco, une boutique :
Punaise, y’en a vraiment qui pensent à tout.
En l’état actuel des choses, j’aurais préféré voir un magasin d’aspirateurs…
18h50 :
«Atterrissage» dans «un turc» pour un kebab/frites…Un peu dégueu, mais franchement…ON A FAIM.
J’appelle La Mère Supérieure.
-«Allo, c’est moi.»
-« C’est la Grande Nounours?!»
-« Oui … (Toute l’histoire)»
La Mère Supérieure :
-«Ah, OK… Que des bonnes nouvelles, quoi! J’aurais préféré que tu m’appelles de voyage ou d’un bateau (?! Elle a fûmé…Comme si j’avais les moyens!) …En tout cas, pour un truc plus sympa…»
Ouais, «un truc plus sympa»…Moi aussi, j’aurais préféré…Aaah, La Mère Supérieure…
Je raccroche.
Le turc :
-« Vous v’lez une boîîsson?»
-« Oui, de l’eau gazeuse, s’il vous plaît»
le turc :
-« ??????….?????»
-« De l’eau… Gazeuse…
( aucune réaction, alors j’insiste)
GA-ZEUSE…De l’eau… (punaise, mais il ne comprend rien bichette)»
Ah, une lueur d’espoir :
-« 1 CHVÈPS ?»
Merde, râté.
– « Non, de l’eau. (on va pas s’en sortir)
-« De l’eau…Ah, de l’eau ! Bouteille??»
-« Oui, «bouteille». (sourire de désespoir )».
J’ai préféré oublier les bulles, on ne va pas y passer la nuit.
Elfe (sur le ton de l’humour, mais un peu inquiet) :
-« Si t’es enceinte, ton père va pas dire que je suis un enfoiré? Il va avoir une bonne raison de vouloir me buter.»
-« AHAhaha…Mais non…( petit sourire) Quoique.»
-« Si c’est le cas, tu devrais lui dire: «pourquoi, tu préfèrerais que ce soit de quelqu’un d’autre?»
-« Génial, ça, je vais le noter dans mon petit carnet…»
20h05 :
Les résultats tombent de la bouche d’un jeune interne de nuit qui relaie sa collègue d’avant :
-« Rien. Vous n’avez rien. Si vos saignements continuent, il faudra voir votre gynéco attitré.»
C’est pas moi qui vais me plaindre…
20H30:
Dans le métro. Un autocollant couleur arc-en-ciel sur une vitre :
Elfe :-« C’est depuis qu’on a un maire…»
La Trentie: -« Oui, c’est plus « gay»!»
La Trentenaire se Lâche ! 